J’aimerais cette semaine parler de plusieurs sujets, qui se recoupent sans que je réussisse à trouver un nom. Alors je vais vous raconter l’histoire des asperges péruviennes, mangées vertes al dente à Londres et blanches en conserve à Paris, car elle est un bon exemple de ce que je ne sais nommer.
Fin des années 1990. La Banque Mondiale affiche sa campagne internationale de promotion de l’agriculture d’exportation dans les pays en développement. Slogan : Produisez de la nourriture raffinée pour l’exporter vers les pays riches, vous dégagerez un surplus financier pour importer des produits de base. C’est ainsi que la Banque Mondiale attribue à la région aride d’Ica, au Pérou, un prêt de millions de dollars afin qu’elle devienne une zone agricole d’exportation intensive. Malin, c’est sur la côte Pacifique, à proximité des voies maritimes.
Après mure réflexion et élaboration de savants systèmes d’irrigation, les experts en commerce agricole décidèrent que ce mini désert deviendrait : Le royaume des asperges.
Les effets de la mono culture…
C’est ce qu’on peut nommer une reconversion spectaculaire, le Pérou étant devenu le premier exportateur mondial d’asperges, 330 000 millions de tonnes en 2010, vertes et blanches.Le seul souci, c’est que l’asperge demande beaucoup d’eau afin d’être produite. Il a donc fallu, depuis 20 ans, pomper l’eau fraiche dans les aquifères, à l’aide de systèmes d’irrigation coûteux. L’eau est ainsi devenue inabordable pour les petits exploitants, qui produisent pour se nourrir, et le niveau de déplétion des réserves est alarmant. Autant dire que les asperges, ça ne pousse pas partout et qu’il ne suffit pas qu’un business plan rencontre la demande du marché international pour que l’offre soit soutenable.
L’eau virtuelle, ça existe ?
Alors j’en viens à ce concept si intéressant qu’est l’eau virtuelle. En important toutes ces asperges, le Royaume-Uni non seulement les paie moins cher que s’ils les avaient produites, mais en plus il économise l’eau qui est nécessaire à leur production. Je sais, il y pleut beaucoup, mais pour autant, le Royaume-Uni est le 6e importateur mondial d’eau virtuelle.
De la même manière, l’Arabie Saoudite importe la totalité de sa consommation de blé, ce qui lui permet de nourrir sa population sans puiser dans ses maigres ressources hydriques, ni pour autant importer officiellement un bien aussi symbolique que l’eau.
Alors peut être que la où ce blé est produit l’eau se fait aussi rare, sale et chère, comme dans la région d’Ica, mais on n’y pense pas trop puisque l’essentiel, c’est de continuer d’exporter et de vendre. Et puis quand l’eau manquera, ce ne sera qu’une autre zone morte, vidée de sa moëlle.