Bien bel hommage que rendit Nicolas Sarkozy aux deux jeunes gens tués par leurs ravisseurs au Niger ce week-end. Dommage que le rôle de celui-ci soit des plus équivoques. Car le chien fou de l’Elysée n’aura pas, comme à son habitude, laissé le temps à la réflexion avant l’action.
La chasse aux barbares
Mais disposait-il de ce temps ? Non, réfléchir aurait été céder au « diktat des terroristes »… Et voici donc nos commandos français embarqués dans quatre hélicoptères, se lançant dans une chasse aux « barbares » sur ces terres d’Afrique. Coppola aurait sans doute suggéré de mener l’assaut aux sons de la Chevauchée des Walkyries. Mais voilà trop empressés d’aller flinguer du terroriste, nos dirigeants ont oublié le but de leur mission : garantir la sécurité des otages lors de l’opération. Et face à la débâcle, les voici se dédouanant en distinguant l’assaut de la mort des deux Français… ils ont été tués avant l’intervention.
Sans doute aurait-on préférer plus d’humilité et moins de fanfaronnade, plus de respect pour les victimes et moins de haines pour « ces barbares venus d’un autre âge ». Car si la condamnation doit être ferme, la déshumanisation populiste aux tendances xénophobes du président ne peut aider à la compréhension des évènements.
Doctrine et communication
A travers cette opération, le président et le gouvernement – Juppé en tête – souhaitaient démontrer par le geste la mise en place d’une nouvelle doctrine dans la lutte anti-terroriste : aucune négociation, aucune rançon. Premier destinataire de ce message, Al-Qaida au Maghreb Islamique, AQMI, cessera-t-il pour autant ses enlèvements ou ses attaques contre les intérêts de la France ? On peut très largement en douter car la poursuite de leurs activités obligera inévitablement le gouvernement français à faire, ne lui en déplaise, l’un ou l’autre.
Véritable coup de communication, cette fermeté n’a d’ailleurs aucun sens puisque la France n’a pas les moyens de prévenir ces enlèvements sur des territoires étrangers déjà hors du contrôle des autorités locales. Et c’est bien la situation désastreuse des pays de la région qui pose problème. Tout comme les actes de piraterie au large de la Somalie, les enlèvements et autres attaques contre des Européens au Sahel et dans le Sahara sont concomitants des problèmes politiques, économiques et sociaux de ces pays.
L’épouvantail AQMI
L’utilisation de la dénomination de terroriste ou de barbare est bien commode et permet de s’affranchir de ce constat dérangeant pour les autorités locales mais aussi pour des pays comme la France dont la présence sur place est toujours marquée par des réflexes d’un temps pas si éloigné.
Et sans doute n’est-ce pas un hasard si le géant énergétique français, AREVA, fut-il pris pour cible au Niger par AQMI. Les très faibles retombées économiques – et les plus fortes retombées radioactives – pour ce pays parmi les plus pauvres du monde ne peuvent être étrangères à ces enlèvements. Mais pourtant l’on préfère à l’Elysée, Matignon ou ailleurs proclamer de grands discours sur cette organisation tentaculaire et barbare qui ne compte pourtant que 700 membres – selon les estimations les plus hautes – répartis dans six pays. Un bel écran de fumée qui ne saura cacher la tristesse de plusieurs familles endeuillées.