Du sourire de Bacchus à la larme du Christ

Troisième et dernière étape de notre balade napolitaine, nous remontons aujourd’hui les pentes du Vésuve pour y récolter la larme du Christ.

Du mythe à la légende

Si le christianisme constitue une culture du vin, elle est loin d’en être la première. Avant elle, Grecs et Romains en dégustaient déjà les propriétés, la vigne allant jusqu’à constituer avec le blé et l’olive l’un des trois éléments fondamentaux de la culture romaine et de la romanisation du monde. Or, dans la golfe de Naples, ces trois cultures se sont successivement réinterprétées et enrichies. À une culture populaire napolitaine voulant que le vin tiré de la vigne qui est cultivée sur les flans du Vésuve soit issu d’une larme versée par Bacchus, l’Église catholique préfère évoquer la peine du Christ après la chute de Satan et son expulsion du Paradis avec sa clique. Cette peine fut telle qu’il en versa des larmes qui tombèrent sur les flans du Vésuve comme des coulées de lave, là où poussent aujourd’hui les vignes dont on tire la lacryma christi. Qui d’autre pouvait transformer une goûte d’eau en goûte de vin ? Christianisation évidente d’un mythe païen, et plus en encore énoncé alchimique – mais cela est une autre histoire – la lacryma christi est aujourd’hui l’un des vins les plus renommés d’Italie.

Un vignoble calssé

Issu de vignes cultivées sur les coulées de lave des versants du Vésuve au nord à San Sebastiano al Vesuvio et au Sud à Trecase et Boscotrecase. Ercolano – l’ancien Herculanum – en procède aussi quelques hectares appartenant à la DOC « Lacryma christi del Vesuvio », la différenciant une fois de plus de sa voisine pompéienne. La DOC exige également l’exsudation du sucre avant la récolte du raisin garantissant un vin d’au moins 10,5° et faisant la différence entre la Lacryma et le simple vin Vesuvio issu d’un même cépage. Mais pour une larme digne de ce nom, ce sont bien les 12,5° qu’il faut rechercher. Rouge ou blanc, et même rossato y sont aujourd’hui cultivés, chacun pouvant relever de quatre cépages seulement. Deux néanmoins dominent respectivement. Pour le rouge c’est le Sciascinoso qui donne au vin une couleur vive et un gout de fruit rouge épicé. Pour le blanc, voilà la Capretonne, qui fait un vin sec, mais fruité, au point qu’il peut être employé dans la composition de liquoreux.

Une dégustation si napolitaine…

Les accompagnements à de tels vins apparaissent évidents et la simplicité des mariages garantit l’intensité du plaisir. Je laisse ici de côté de rosé qui peu se déguster pour lui-même. La cuisine napolitaine est aussi une cuisine charnelle, et une délicieuse pièce de bœuf fera bien entendu l’affaire. Plus encore, je ne peux que recommander la lasagne à la napolitaine, plus complexe que sa cousine de Romagne, mais tellement plus riche de saveurs et d’aromes différents. Les cuisines de gibiers au vin reçoivent dans leur sauce en un verre qui les accompagne les quelques larmes. Plus simple encore, un peu de pécorino de Campagnie ou un povolone et voici cette fois-ci quelques bouchés qui accompagne le vin. Pour le bianco, le golfe de Naples offre tout pour sa dégustation. Un risotto aux fruits de mer ou les bonnes vieilles linguine alle vongole ou aux oursins ou encore quelques calamars encore rivalisent en suggestion. Et pourquoi pas essayer le mariage du moelleux de la lacryma bianca avec l’amertume de la scalopine al lemone. Les opposés s’attirent et le mariage est délicieux. Le vin blanc sera aussi servi au dessert, avec une tarte à la ricotta ou quelques cannolli qui nous inviteraient à l’autre Sicile, mais c’est là une autre histoire

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