Episode 3: Le travail libère l’individu
En l’an 2005 du calendrier chrétien (nous parlerons, afin de n’être pas accusés de lèse-majesté, de l’an 2 av. N.S Ier), un petit homme aux mains chargées d’orfèvreries à faire pâlir les rois du hip hop américain, et guidé par une Grande Mission, nous fût envoyé.
Mu par un élan de paternalisme bienveillant aux relents de cette dégoulinante mièvrerie moralisante, dénominateur commun aux plus éclairés de nos grands hommes (pensons à St Hilaire de Poitiers, Fénelon, Martin Luther, Paco Rabane…), ce petit homme engage une campagne de conversion effrénée auprès de la population alors présente sur ces terres: nous, Français, classe moyenne, femmes et fils de bronzés.
Sa Grande Mission: le plein emploi. Sa solution: promettre des lendemains qui chantent aux plus courageux d’entre nous. A ceux qui sont « prêts à se lever le matin ». J’entends encore ces mots articulés au cours d’ une transe infatigable retransmise sur une chaîne nationale, par ce petit homme enivré d’une foi surnaturelle, de philosophie germanique ainsi que de lui- même: « Le travail libère l’individu ». Ou était ce… Arbeit macht frei? Peu importe, après tout nous sommes tous frères d’Europe et la sagesse ne connaît pas de frontières.
Amis, ne cherchez plus la paix de l’âme dans l’oisiveté !
Voilà ce que je veux crier. Et pourtant, à quoi bon?
La mousse de votre canapé accuse la marque traîtresse de vos fesses engourdies par tant de mois d’immobilité et la consommation excessive de plats micro-ondables. Et comme je vous comprends.
Vous souffrez de dépression chronique. Moi aussi. Mais là je vais mieux. Mon petit secret? J’ai arrêté les entretiens d’embauche. Le sevrage est long et douloureux mais quel plaisir de se sentir si fraîche au matin… au midi. Plus de stress, de réveil en urgence, plus besoin de s’affubler de ridicules chemises propres immédiatement tachées de la moiteur de notre corps tremblotant de peur à l’idée d’un « votre profil nous intéresse mais » de plus. J’ai suivi le conseil d’une amie qui m’est chère.
Alors que je déjeunais chez mon amie Marie Martine dans sa coquette studette- 11m2- 8ème étage -sans asc.- garants demandés, elle me conseillait d’attendre un peu avant de me confronter de nouveau à l’objet de mon désespoir et m’enjoint de bouder ma conseillère pôle emploi que seule la présence de membres supérieurs distingue d’un plat du jour géant de cantine universitaire. Attendre d’être un homme. Riche, trentenaire, célibataire, blond, catholique et certifié NF. Depuis j’attends.
Puis nous en vîmes à évoquer avec tendresse les jours heureux ou nous croyions sottement que cette « expérience » que l’on nous réclamait et dont le manque nous fit si souvent défaut, s’acquérait par le travail, la ténacité, la volonté et le talent. Nous ignorions alors qu’en réalité elle s’achète, comme le pain, la paix, le temps, le succès, la liberté… trop souvent bradés au demeurant.