Le 12 Janvier, un violent tremblement de terre touche la capitale haïtienne. Le 20 janvier, une nouvelle secousse. Le monde se précipite pour déblayer, filmer, soigner et financer, indigné face à une telle « fatalité ». Malheureusement, la vulnérabilité d’Haïti n’est pas le fruit du sort, quelle tristesse qu’il faille telle urgence pour que l’on s’en préoccupe…
Un pays au lourd passé
Haïti, c’est le quart ouest de l’île d’ Hispaniola, ayant pour capitale Port-au-Prince et langues officielles le français et le créole haïtien. Les ¾ restants de l’île constituent la République Dominicaine, hispanophone. Deux États sur une si petite île, cicatrices coloniales ? En bref, les espagnols furent les premiers (1492), les français suivirent (1697), exploitant chacun sa partie de l’île. Un pillage des ressources en bonne et due forme (or, bois) alimenté par une traite de l’esclavage bien rodée fit d’Haïti, à la fin du 18e, « La Perle de caraïbes».
Première colonie à abolir l’esclavage et à gagner son indépendance en 1804, pour la modique dette de 54 milliards de francs or, Haïti est marquée par son héritage. Des dégradations environnementales effarantes, une économie dépendante et endettée, des famines à répétition alors que 80% des haïtiens travaillent la terre. Recette imparable du sous-développement savamment maintenue par le système commercial.
Enfin, Haïti est entrée dans le XXe siècle occupée militairement par les Etats-Unis (1915-1934), qui n’ont eut de cesse d’intervenir dans la politique intérieure de l’île (1991, 1994, 2004). La bienveillance américaine (un grand merci à ce vieux Bill) a successivement soutenu amis et ennemis, stationné des Boys sur l’île et imposé un embargo économique (1991-1993). Située à seulement 1100 Km de Miami, quelques coups de rame de Puerto Rico et des îles Vierges américaine, Haïti est stratégique dans la version Caraïbes de la Doctrine Monroe : L’Amérique aux américains.
Alors oui, c’est le sort qui fait trembler la terre, mais notre histoire qui explique la douloureuse vulnérabilité d’Haïti. Espérons qu’elle ne se répète pas à l’infini.
L’aide d’urgence : une arme douce ?
Dans les medias, la stigmatisation prime. On met en scène des assassins sortis par la grande porte de la prison effondrée afin de légitimer la présence de militaires lors d’une crise humanitaire. Certes, la sécurité est difficile à assurer, le pays a un passé récent de violences civiles, des centaines de milliers de personnes ont tout perdu et n’ont ni eau ni nourriture depuis une semaine. Mais il y a aussi tous les rescapés qui s’activent dans les décombres, ceux qui creusent les fausses communes, pleurent leurs morts et prient.
Alors soyons directs : les demi-mots sur l’intervention massive de l’armée américaine à Port-au-Prince sont dérangeants. 10 000 soldats américains qui débarquent suite à un tremblement de terre, ça ne vous met pas la puce à l’oreille ? Quelques éléments de comparaison : fin 2008 il y avait 26 000 soldats américains en Afghanistan, après 7 ans de guerre. La France a envoyé 100 gendarmes, l’Union Européenne 140 et l’ONU 3500 casques bleus. L’armée américaine contrôle l’aéroport, c’est-à-dire l’arrivée de l’aide internationale. Problèmes d’organisation ou choix de priorité, mais l’ONG Médecins Sans Frontières a attendu deux jours son matériel médical. N-y a t-il pas derrière cet excès des intentions de mise sous tutelle à plus long terme, sous couvert de reconstruction ? C’est important de se le demander, histoire de voir venir le prochain coup d’État.