« L’islam appartient à l’Allemagne ». À l’heure où la France patine devant la multiplication des restaurants halal, voilà ce qu’affirmait dimanche dernier le Président fédéral allemand dans un discours commémoratif des plus patriotiques. En France, la polémique signifie-t-elle que nous serions une fois de plus en retard par rapport à nos voisins d’outre Rhin ?
Un code sacrificiel
La nécessité pour un Musulman de recourir à la dhabiha, c’est-à-dire à l’abattage rituealisé des animaux avant de consommer leur viande répond à deux choses. Tout d’abord l’obligation d’égorger permet de s’assurer que la viande qui sera consommée est une viande fraîche et non celle d’un animal mort. Elle est donc sanitaire et tout aussi sanitaire que l’interdiction de consommer du porc dont on peinait à conserver la viande dans de bonnes conditions dans l’Arabie du VIIe siècle. La seconde raison est que cette consommation est un acte de grâce. Le sacrifice est ici une forme de communion avec Dieu et permet donc au croyant de consommer sans gourmandise. Cependant, le terme « halal » signifiant : « ce qui est autorisé », on ne peut s’empêcher de souligner ici son utilisation restrictive actuelle.
En effet, le Coran permet à un musulman de consommer la viande préparée par les juifs et des chrétiens et ce qu’elle se révèle être casher ou non. La réalité de l’Islam est très différente d’un pays musulman à l’autre, et dans la communauté malaise du Cap tout comme sur certains marchés de Damas, le porc est considéré comme « halal »… Or, cette autorisation ne fait pas l’affaire d’un repli communautaire dont profite aujourd’hui l’économie des vaniteuses petites différences.
Un marché nouveau
La demande en viande « permise » par certaines communautés musulmanes a permis l’essor d’un marché évident avec ces lieux de rencontre, ses filières d’approvisionnement, sa publicité, et bien entendu, ses contrefaçons. L’express soulignait il y a peu la transformation de Barbès et la conquête vicinale des boucheries halals sur le pavé parisien. Par ailleurs, au-delà de ce marché traditionnel qui s’appuie du reste sur la filière religieuse qui pendant longtemps n’était sollicitée qu’au moment de l’Aïd el-kebir, les grandes entreprises agro-alimentaires se sont jetés sur ce nouveau marché.
L’une des premières a être concernée est de fait la filière bovine et ces entreprises qui comme Charal, de mèche avec les distributeurs, il y a plus de 5 ans déjà lançait ses premières entrecotes « halal ». Ce réflexe depuis généralisé et ciblé selon les enseignes à certains établissements. Pur libéralisme donc. Or, cet été Quick est passé à la vitesse supérieure en transformant plusieurs de ses restaurants entiers en lieux de consommation de viande halal. Fait nouveau ? Pas vraiment… Tout les noctanbuls consommateurs de kebab savourent depuis belle lurette de la viande halal dans des restaurants ne la servant qu’exclusivement et ce quelque soit leur confession et en plein centre de Paris. Personne ne s’en est jamais formalisé. La viande halal n’a en effet jamais été interdite aux non musulmans et l’encouragement du repli communautaire dans un but purement mercantile serait un fau problème.
Un repli communautaire
Et pourtant, ce repli est bien réel. Cependant, il ne réside pas tant dans la volonté de manger plus de viande halal que de n’en consommer qu’exclusivement. Cette nouvelle mode est outre une mésinterprétation plus ou moins innocente du Coran et son exigence un abus du texte saint, elle est le pendant d’une stigmatisation caricaturale de l’Islam. Diabolisés en raison des spécificités de leurs pratiques, certains musulmans réutilisent ces spécificités en les exagérant pour en faire des étendards communautaires. La mode du halal ne serait de tout cela qu’une conséquence collatérale sans importance, stupide à stigmatiser, qui détournerait des vrais enjeux de société.
La déclaration de Christian Wulff ne lui a coûté qu’une bouchée de pain et à bien des égards elle n’apparaît que comme une simple déclaration de principe qui ne dit pas tant la banalité de la présence de l’Islam en Allemagne que les difficulté qu’elle rencontre. Néanmoins, il serait peut-être temps pour nous aussi de dire simplement que l’Islam appartient à la France et à sa gastronomie.