I love laughing out of loud

En ces temps moroses, oubliez le grandiloquent, la surenchère oiseuse et les larmes ostentatoires ; la tendance médiatique est au rire ! Soyez ouverts, car la compétition est rude.

L’humour, la recette qui fait vendre ?

Cette semaine, le magazine Stratégies consacre  un numéro spécial sur le rire dans les médias. La revue étale en couverture un projet artistique, « le LOL project », dont la démarche frise l’insignifiance. « C’est l’histoire d’un projet fou qui consiste à saisir des éclats de rire », le résultat : 500 portraits d’anonymes hilares défilant avec ce qui ressemble au générique de 66 minutes Inside en fond sonore. Si le LOL project  est relativement creux, la combinaison «ego, partage, plaisir et sincérité» soulignée par son directeur de création, William Lafarge, est significative. Se mettre en scène, faire rire et créer le buzz autour de soi est la nouvelle tendance du webdeuxpointzéro. Largement reliée et alimentée par les réseaux sociaux (Facebook, Twitter),  l’association de ces quatre composantes est en passe de devenir le produit miracle pour faire résonner la toile.

La quête du « buzz »

Nous connaissons les fous rires qui se répandent comme par contagion. Bergson, dans son essai théorique Le Rire, soutient par ailleurs que le rire est une sorte de résonance collective qui implique « une complicité avec d’autres rieurs, réels ou imaginaires ». En sociologie virtuelle, c’est du pareil au même. Le rire est un outil de socialisation, et toute personne qui veut faire parler d’elle l’utilisera d’une manière ou d’une autre. Si de nombreuses agences de publicité n’ont pas hésité à vendre dans tous les sens ce genre de communication, le politique commence tout juste à innover. Des petites phrases placées avec tactique : « Il vous rappelle quelqu’un ? Moi aussi… », déclaré par Dominique de Villepin, un porcelet dans les bras ; à de grandes innovations tels les spots de campagnes du PS, ou le lipdub de l’UMP, qui on peut le dire, nous a fait franchement rire. Mais était-ce pour les bonnes raisons ? « Bad buzz ». On vous dira que la sur-exposition a trouvé ses limites, car elle favorise la critique, et qu’elle peut démolir le branding d’une marque. Pas si sûr, car l’objectif final est atteint : faire parler de soi (ou de son produit). Pour ce qui est des hommes politiques, même si le buzz leur ait défavorable,  jouer la carte de l’humour c’est gagner en sincérité.

Fast-thinking

Bourdieu parlait de « Fast-thinking » en évoquant la question de l’audimat qui génère une pression de l’urgence, une concurrence au scoop. Aujourd’hui, la quête du buzz, la recherche de la bonne idée soulève aussi la question du rapport entre la pensée et la vitesse.  L’information nous est livrée de plus en plus rapidement, les réseaux sociaux la réceptionnent et la jugent instantanément. Et dans ces conditions, la seule façon de penser revient à penser par des idées reçues. D’un outil simple et efficace,  l’humour est devenu un dogme. Au point d’en devenir parfois triste. Comique de situation, parodie, humour potache, ou petites phrases, il y en pour tous les âges, pour tous les types de consommateurs, bref pour toutes les cibles (et zoomout y contribue aussi).  Si vous avez regardé France Télévisions pendant les JO, vous avez par exemple, assisté aux insupportables envolées du libidineux Candeloro et de son comparse Nelson Montfort qui on ravit les audiences du patinage artistique. Affligeant peut-être, mais très efficace. Faut-il vraiment créer du buzz à toutes les sauces pour exister ?