J’aime regarder les filles : summer of love 81

Mais que se cache t-il derrière ce titre évocateur ? Le premier film de Frédéric Louf vient se poser entre les forces du mal de Harry Potter et les extraterrestres de Super 8 pour nous apporter un peu de sincérité et de sensibilité dans ce flot estival de blockusters bagarreurs.
1981. La France vit et vibre au rythme des débats électoraux entre Giscard et Mitterrand. Primo (Pierre Niney), 18ans et fils de prolo provincial, se sent plus concerné par les filles que par son bac. Fauché et en éternel décalage avec ses vieux qui lui renvoient en pleine gueule sa condition et ses échecs scolaires, Primo rentre seul à Paris. Il squatte le temps d’une soirée le milieu de la jeune bourgeoisie Giscardienne. Il fait la rencontre de la belle et égocentrique Gabrielle (Lou de Laâge), alors que Delphine (Audrey Bastien) rêveuse et gauchiste de cœur tombe sous le charme de ce « petit ramoneur de rien du tout ».

Quand la politique rime avec les sentiments

Frédéric Louf choisit un contexte politique et social fort. Sa mise en scène sobre évite de tomber dans la reconstruction historique grandiloquente et tape à l’œil. L’opposition gauche/droite et la lutte des classes se font surtout en toile de fond au travers les seconds rôles, notamment Malik, le compagnon de fortune de Primo. On pourrait reprocher au réalisateur de ne pas exploité suffisamment cette période et de ne pas avoir été plus incisif dans la satire sociale. Ce serait avoir mal compris les enjeux véritables de cette chronique adolescente qui vise et décroche le monopole du cœur. Si en arrière-plan « J’aime regarder les filles » nous parle avec un humour subtil de l’arrivée de la gauche au pouvoir et de la peur qu’elle a suscité dans les milieux bourgeois. Frédéric Louf se sert avant tout de cette élection pour examiner en profondeur les sentiments et l’état d’esprit d’une jeunesse à qui on avait promis un souffle de renouveau, de liberté et d’amour. Le talent des comédiens et la maitrise de la direction de ces jeunes acteurs se révèlent un peu plus justes et sensibles à chaque apparition du triangle amoureux : Primo, Gabrielle et Delphine. Alors que certaines scènes (notamment celle du diner « grand vin et fromage ») illustrant l’opposition d’une bourgeoisie craignos et hautaine de droite face à la « cool-attitude » de la liberté gauchiste frôlent parfois de peu le cliché.

L’apprentissage de l’amour

« J’aime regarder les filles » livre avant tout une belle chronique sur l’éducation sentimentale et la complexité des sentiments amoureux chez les jeunes adultes. Le trio Pierre Niney, Audrey Bastien et Lou de Laâge joue aux jeux délicats de l’amour et du hasard. À partir de cette situation de marivaudage comique, les comédiens nous font lentement basculer vers un drame shakespearien touchant sur la violence des premiers amours destructeurs et maladroits. Sous ses airs de comédie faussement naïve, « J’aime regarder les filles » voit naitre un réalisateur et de jeunes comédiens très prometteurs. La séduction, les disputes et le sexe sont filmés en courts plans-séquences fixes comme pour éluder l’émotion de tout artifice technique. Comme chez Musset, Frédéric Louf ne badine pas avec les sentiments et les comédiens ne trichent pas. Ce cinéma là, atteint le beau sans être maniéré. C’est rare. Été 2011, 30 ans après, la gauche n’est plus au pouvoir,  les illusions de cette époque se sont bien envolées et l’élan de la classe ouvrière faiblit inexorablement sous le poids de la suprématie capitaliste. Alors que reste-t-il ? Il reste la simplicité d’un titre et les paroles de Patrick Coutin qui à elles seules résument l’essence de la vie : « J’aime regarder les filles ». Car au fond, il n’y a que ça de vrai et d’impérissable.

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