On connaît les Islandais pour l’instabilité sismique (et bancaire) de leur pays, l’attachement qu’ils portent à leur langue incroyablement complexe et la fâcheuse tendance qu’ils ont à transformer tout ce qu’ils touchent en une féerie aux propriétés revitalisantes.
Jónsi, chanteur du groupe de post-rock Sigur Rós n’échappe pas à la règle. Il le démontre à merveille avec Go, son album solo sorti il y a quelques jours.
Pour ne rien vous cacher, j’attendais cet album avec impatience. Que l’objet désiré soit à la hauteur de mes attentes ou non, l’impatience empêche souvent d’être totalement objectif. Elle déclenche une ferveur aveugle ou au contraire précède une déception sur-dimensionnée. Elle peut aussi se transformer, chez moi, en indécision maladive.
La ferveur
Sigur Rós à l’art de toucher son public au plus profond dans des concerts remplis de poésie alliée à un plaisir palpable de jouer de la musique ensemble et pour les autres. Un groupe qui a su nous faire rêver depuis maintenant 16 ans avec des albums fait de longs morceaux envoûtants aux mélodies planantes.
Vous l’aurez compris… j’ai aimé et aime encore très largement Sigur Rós. Alors, voir arriver un album signé par leur tête de file ne pouvait que me réjouir.
La déception
C’est un peu fort de parler de déception dans ce cas, puisque cela se passe avant même l’écoute de l’album. Apeuré, j’apprends que les morceaux de ce Go sont pour la plupart au format pop. Première grosse angoisse. L’Islandais, si talentueux dans ses longues envolées, s’enferme dans un carcan de trois minutes trente. Quel va bien pouvoir être le résultat ?
Enfin, détail qui n’a fait qu’accentué mon angoisse : La pochette. Trop travaillée, elle présage (à tort ? pas tout à fait) d’un croisement contre-nature entre l’univers minimal de Sigur Rós et… Mika.
L’indécision
La première écoute passée, elle me frappe de plein fouet. L’album ne ressemble pas à ce que j’avais imaginé, l’ensemble est bel et bien Pop. Mais c’est quand même intéressant de voir comment Jónsi arrive à se saisir de ce format et à le tourner à son avantage. Car même si on aurait parfois envie de rester encore un peu plus longtemps dans ces ambiances aux accents elfiques, cette règle force à la synthèse et à la densité.
L’album est servi par une production proche de la perfection. Normal me direz-vous puisque Nico Muhly (protégé de Philip Glass) est aux commandes. Les différentes sonorités de la voix de l’Islandais sont très bien mises en valeurs, oscillant entre des aigus fluets auxquels il nous a habitué et des tessitures plaines et chaudes plus surprenantes. L’album passe gentiment, comme un paysage enneigé, pur et soyeux, sans anicroches. Trop joyeux d’ailleurs, c’est là que parfois on décroche, les mélodies se font un peu trop enjouées et tendent a agacer.
Quelque chose reste en suspend quand les dernières notes retentissent. Où est la mélancolie ? Ce petit malaise que laissait derrière lui un album de Sigur Rós ? Le moment où, après avoir touché la plénitude et l’osmose parfaite avec la musique, il était temps de redescendre sur terre. Où est-il ?