L’humeur n’est plus à l’humour ?

Mercredi dernier, surprise dès le réveil. Guillon, posé mais déterminé lance dans le micro un « au revoir et merci ». Etonnement pour les 2 millions d’auditeurs qui tous les lundis, mardis et mercredis matin avaient pris rendez-vous avec l’humoriste à 7h55 sur France Inter depuis près de deux ans et demi. L’humour n’aurait-il plus la côte à la rentrée sur Radio France. Et si c’était politique ?
« Je suis peut-être vieux-jeu, mais je pense que nous sommes là pour informer« , a annoncé le président de Radio France. Humour et information ne font donc pas bon ménage – on remerciera Jean-Luc Hees, d’assumer son côté « old school », et on se gardera le droit de répondre. Et il n’y a pas que le matin, que les calambours ne passent plus. Didier Porte, à l’antenne depuis près de 10 ans, malgré l’aigreur de Guillon à son encontre, a lui aussi été remercié des deux émissions dans lesquels il intervenait. Plus de matinale le jeudi, plus d’émission du « Fou du roi » de Stéphane Bern à la rentrée. Les fous du roi ? En voilà un bon titre, mais le roi ne veut plus rire. Le roi ce n’est pas Stéphane Bern, qui a soutenu publiquement son chroniqueur, mais plutôt les présidents, Jean-Luc Hees et Philippe Val, président de France Inter. « Informer » il vous a dit, arrêtez donc de tout prendre à la légère. Pourtant dans sa lettre de soutien aux deux humoristes, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) rappelle que « même lorsqu’il dérange ou désarçonne, l’humour reste une expression artistique à part entière.» Une expression artistique, oui, mais c’est la crise, alors faisons la tête et puis c’est tout.  La radio de service public deviendrait-elle  «une radio de gauche qui licencie comme la pire entreprise de droite » comme le dit Guillon ?

« C’est politique, c’est politique » …

C’est même presque structurel. Dans une interview à Télérama, à l’annonce de sa non reconduction, Jean-Paul Cluzel, prédécesseur de Jean-Luc Hess, se reprochait de ne pas avoir eu plus de contacts avec Nicolas Sarkozy. Et c’est bien là que le bat blesse. Résultat de l’éclatement de l’ORTF en 1974, depuis la loi du 5 mars 2009, le président de Radio France est nommé par le conseil des ministres, tout comme les présidents de l’audiovisuel public. Les liens sont ténus entre médias et politique. Et un rien suffit pour que la transparence se trouble. Comme ce fut le cas, par exemple, lors de l’interruption impromptue de Jean-Luc Hees à l’antenne en direct. Une vive réaction suscitée par Edwy Plenel, fondateur de Mediapart  qui se préoccupait à l’époque du …  «rapport clientéliste des médias à l’Etat ». Pas le meilleur exemple, pour prouver que les rapports ne sont pas poreux ! Et qui n’arrange rien aux bruits de couloirs persistants sur le lien étroit entre ces licenciements, ces nominations et le plus haut pouvoir politique. Philippe Val, l’ancien patron de Charlie Hebdo s’en était défendu:   »Il est faux de dire que j’ai été nommé par l’Elysée, j’ai été nommé par Jean-Luc Hees qui a obtenu des garanties avant d’accepter« . Possible. Mais ce qui est sur, c’est que Nicolas Sarkozy ne se cachait pas de ses critiques à l’égard de Stéphane Guillon. L’humoriste en avait même fait une consécration. Un jeu. Un jeu qui semble pourtant aujourd’hui s’être refermé sur lui. Et sur nous, je ne peux que penser. Au détriment de l’humour, des auditeurs et de la liberté d’expression.

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