Alors que le dossier du nucléaire iranien est, en ce moment, dans tous les esprits, le naufrage du Cheonan en mer jaune remet sur la table la question du nucléaire nord-coréen et plus encore la question des rapports entre les deux Corées.
Crabes, Casus belli et statu quo
Si les années 2000 ont vu le dialogue restauré entre les deux frères ennemis, l’incident du 26 mars dernier en mer jaune pourrait bien remettre en cause la relative souplesse sud-coréenne. En effet, un rapport de l’Etat-major met directement en accusation Pyongyang dans le torpillage du navire de guerre, le Cheonan, dans ce qui semble être une nouvelle manifestation de la guerre du crabe.
Depuis 1999, les tensions entre les deux pays portent sur la question de la ligne de démarcation en mer jaune ; la Corée du Nord refusant de la reconnaitre car la privant d’une zone de pêche très importante. Plus qu’une simple mésentente, cette question provoqua plusieurs incidents militaires entre les deux pays, notamment autour des îles de Yeonpyeong et de Baeknyeong. Alors qu’en 1999 un torpilleur nord-coréen est coulé et qu’en 2002 un patrouilleur sud-coréen est détruit, les accrochages militaires ont repris le 10 novembre dernier lorsque la flotte sud-coréenne ouvrit le feu sur un navire de guerre nord-coréen – chassant un chalutier chinois de ses eaux territoriales – ayant passé la ligne de démarcation.
Si l’on ne peut réellement parler de guerre entre les deux pays, le dossier est tout à fait préoccupant pour la stabilité de la région, notamment pour les puissances régionales plus enclines au statu quo. Déjà Washington, Pékin et Moscou minimisent les faits afin de pousser Kim Jong Il et Lee Myung-bak à retrouver le chemin de la table des négociations.
Un boom qui fait flop !
L’accusation de Séoul dans cette affaire dénote d’un changement de ton d’avec l’ancien président Roh Moo-hyun qui signa en 2007, dans un esprit de détente, un accord de paix et de coopération avec la Corée du Nord. Si depuis 2008 Lee Myung-bak a opéré un net rapprochement avec les Etats-Unis et par la même une plus grande rigidité vis-à-vis de Pyongyang, Washington cherche à apaiser les choses dans ce territoire vassal afin de ne pas attiser aussi le feu du nucléaire de ce côté-ci de l’Asie.
Ainsi depuis la fin du mois d’avril, Hillary Clinton et Yang Jiechi – ministre des Affaires étrangères chinois – multiplient les initiatives afin de relancer les pourparlers à six – les deux Corée, les Etats-Unis, la Chine, la Russie et le Japon – sur le nucléaire nord-coréen. Car si les dernières démonstrations nord-coréennes ne furent pas un franc succès – comme l’atteste le crash de la fusée Kwangmyŏngsŏng-2 dans le Pacifique le 5 avril 2009 –, la relance du programme d’enrichissement du plutonium par la Corée du Nord en juin dernier, à la suite de nouvelles sanctions de l’ONU, crée de nouveau l’inquiétude sur la scène internationale et laisse s’éloigner tous rêves de rapprochement coréen.
A bas les murs…
Depuis 1905, l’Etat coréen fut, pour des raisons géostratégiques, asphyxié par les puissances du Pacifique, faisant de la péninsule un outil de leurs prétentions régionales et mondiales. D’abords sous la coupe nippone, elle fut partagée en deux au sortir de la Seconde Guerre mondiale au moment où les deux grands débutaient leurs affrontements périphériques. En 1950, elle devint le théâtre de ce que beaucoup pensait être le début de la troisième guerre mondiale faisant du 38ème parallèle le symbole de la politique de containment et de roll back. Aujourd’hui encore, il est gardé par 30 000 soldats américains gardant l’œil sur le troisième pilier de l’Axe du Mal.
Destin similaire à celui de l’Allemagne en 1945, la Corée voit toute tentative de rapprochement saboter par une triple rigidité : celle d’un Kim Jong Il mégalomano-paranoïaque, celle d’une Corée du Sud toujours traumatisée par une guerre meurtrière et celle d’une communauté internationale aux intérêts plus globaux ; rigidités que l’on retrouve aujourd’hui dans le dossier du Cheonan. Et si le mur coréen était plus épais que le celui de Berlin…