Seconde étape de notre ballade estivale et napolitaine, zoomons sur l’incontournable vera pizza napoletana et la surprenante richesse gastronomique qu’elle offre.
En 1993, alors que le G7 se tenait à Naples, Bill Clinton fut pris d’une envie tout aussi gourmande que subite : déguster une « vera pizza napoletana ». Contrairement à ce que nombre d’Américains pensent, Mr President sait bien que la pizza ne fut pas inventée sur les bords de l’Hudson mais au fond des vieux fours des lazzaroni. Bill rendait donc ainsi à Naples ce qui lui revenait et la pizzeria de la via dei Tribunali dans laquelle il s’arrêta lui rendit hommage en prenant alors le nom d’il Presidente. Mais ne nous y trompons pas, ce gourmand de Bill ne n’y vint pas par hasard. La réputation de ce qui n’est en apparence qu’un bouiboui n’était déjà plus à faire, et les récompenses internationales du pizzaïolo « della casa » ne doivent rien à l’américaine reconnaissance. Aujourd’hui, Il Presidente reste l’une des plus célèbres et délicieuses pizzeria de Naples.
Pizze et pizzerie
Les pizzerie napolitaines n’ont rien à voir avec nos restaurants français. Elle se résume souvent à un comptoir. La pizza n’est alors qu’une simple pâte à pain levée au feu de bois garnie de tomates et de mozzarella, parfois encore d’un peu d’origan. Faite à emportée, sa taille est modeste et elle se présente au milieu des arancini, crocchè et fritti. Composée de tomates, la tradition de la pizza est en fait bien jeune, remontant au XIXe siècle, période pendant laquelle coïncide la domestication européenne de la « pomme d’or » et sa consommation élargie avec l’invention des traditions et la réification des cultures. En perpétuelle réinvention, cette tradition évolue sans cesse.
Nos habitudes de consommation ont invité les pizzaioli napolitains à proposer des pizzas plus grandes, de véritables plats que l’on déguste assis et à la fourchette, alors qu’à l’image des bruschette, la pizza n’était avant cela qu’un encas ou un simple antipasto. Avec la consommation de la pizza c’est donc aussi la pizzeria qui s’est transformée. Au simple comptoir situé devant le four, se sont ajoutées des sales de plus en plus grandes. La réputation d’Il Presidente l’a poussé à ouvrir à deux pas de sa pizzeria au four donnant presque sur rue une petite salle de restaurant prenant le nom d’Il figlio del Presidente. Mais un point demeure fondamental, le four doit rester au centre de la pizzeria, c’est lui qui fait la pizza tout autant que le pizzaïolo.
Volta la pizza !
D’1€ la vera pizza napoletana que l’on mange sur le pousse, à 5 à 8€ celle que l’on déguste à table, la pizza doit garder à Naples la modestie de sa qualité. Et à la pizza de se décliner. Faites votre choix. Les produits sont frais, de la région. Quelques anchois cachés sous le fromage d’une pizza garnie aux artichauts et aux poivrons font office d’une épice surprenante. Là, la pizza se fait le support d’une salade de roquette au pecorino et prosciuto crudo. Ici elle se dit « ischitina » toute garnie qu’elle est de tomates cerises, de mozzarella fraiche di buffala, de jambon cru et de roquette encore. Plus simple : remplacez la mozzarella par le povolone et le jambon cuit par du speck, ajoutez y des champignons et voilà une « fumée » qui chez Da Pellone vous donne une leçon de cuisine de caractère.
À l’exemple de la cuisine médiévale, la pâte à pizza est autant condiment que plat de l’appareil qui la garnit. Si la pizza est l’un des produits les plus universelles, les pizzerie napolitaines nous montrent que la diffusion à l’échelle globale d’un plat n’induit pas nécessairement l’uniformisation de son goût. À Naples même, elle fait l’objet d’une créativité de premier ordre abandonnant le goût de la tradition à des touristes en mal d’authenticité. La vraie pizza napolitaine n’est plus la petite « vera pizza napoletana » des comptoirs sur rue, elle est celle qui se réinvente en permanence.