Il y a tant de fruits dont on pourrait vanter les mérites, mais peu se sont déclinés ces dernières années comme la figue, et peu, comme elle, renvoient à un imaginaire aussi délicat que gourmand.
D’une figue à l’autre…
Voilà plus de 10 000 ans que la figue est cultivée en Méditerranée. Plus encore aux yeux de ce vieux briard de Caton, sa fraîcheur malgré sa cueillette de trois jours et son transport révélait le danger de la civilisation punique renaissante et de Carthage qu’il fallait une fois pour toutes détruire. Dans le Coran, la figue est un symbole féminin, dont la peau charnue et la chair sucrée et fraîche ont su inspirer bien des auteurs arabes et européens. Mozart ne s’y trompait donc pas en assimilant le gardien du potager des figuiers à celui du harem et ainsi de célébrer dans son Orient imaginaire la saison des figues-fleurs. Car ne l’oublions pas, la figue n’est pas le fruit mais la fleur bourgeonnante du figuier et qui comme d’autres fit les délices des auteurs de Marco Polo à Christophe Colomb en passant pas Giacomo Casanova.
Cette fraîcheur que l’on veut bucolique
Mais d’un plaisir de bouche à l’autre, revenons à table. La figue est une bouchée exotique et bucolique. Souvenirs spalates et de ces figues que l’on vend sur le Stari Pazar – vieux marché – qui s’étale aux pieds des murs de la ville. On en achète quelques unes pour la visite et que l’on déguste en fuyant un soleil de plomb et une chaleur accablante à l’ombre d’un vieux Sphinx de marbre noir rapporté dans la ville par un de ses empereurs et trônant dans une ville en ruines.
Certes, inutile d’aller jusqu’à Split. Louis XIV déjà tenait à les avoir à sa disposition dans les jardins de Versailles, pour qu’entre deux bouchées il puisse passer d’un figue à l’autre. La voici bientôt séchée et collant aux dents ou réduite en compote mielleuses et amère, ainsi prête à fourrer les rouleaux de Newton ou de Garibaldi. Essayez-là aussi dans les cookies.
Plus simplement encore, la figue se découpe finement pour venir garnir une tarte et son fond d’amande que l’on fait cuire et doucement caraméliser. Le tiramisu s’y prête sans caprice. On peut même en faire un coulis à verser ensuite sur quelques boules de glace à la vanille. Que dire encore d’un sorbet de figues accompagnant un fondant au chocolat ? Celui de Giolitti reste aujourd’hui encore inimitable.
Un bijou
En accompagnant le salé, la figue change de registre. Elle passe d’une dégustation aux arômes orientalistes à une cuisine fine et, il faut bien l’avouer, élitiste. La figue devient condiment de luxe. Petrossian en propose séchées et venues d’Iran à une clientèle qui saura avec relever son insipide muesli matinal ou parfumer ses tajines. Mais le grand classique reste sa confiture associée à une belle tranche de foie grascrue ou cuite et les saveurs divines de ce mélange.
Voilà du moins un classique qu’il ne faut pas hésiter à décliner. Autre souvenir et humeurs de figue, celui de raviolis préparés par un traiteur italien du bas de la rue Mouffetard, qui ne demandent qu’une sauce à base de porto blanc, d’ognons caramélisés et de foie gras pour être dégustés ! Inversement, la figue peut aussi se faire en sauce et venir assaisonner aiguillettes braisées, confit ou magret de canard.