On the road again

Porté par un Gérard Depardieu des grands jours, Mammuth, quatrième film du tandem grolandais Gustave Kervern-Benoît Delépine nous offre un périple intimiste sur les très belles routes de la Charente-Maritime. Un road movie social et mélancolique à découvrir de toute urgence.
A l’écart d’une forêt de carcasses de barbaque, un homme lourd et las s’écroule sur une chaise. Pour lui, ce n’est pas la fin de la journée, mais celle d’une première vie abrutissante dont il n’avait même pas conscience. Il faut le dire, Serge Pilardosse est plutôt con, mais un con qui a encore beaucoup de choses à découvrir. Tout commence le jour où Mammuth (Gérard Depardieu) arrive enfin à la retraite après une quarantaine d’années de bons et loyaux services rendus à la cause des diverses entreprises dans lesquelles il a travaillé. Ses collègues de l’usine lui organisent un pot de départ royal… Au menu, des chips, un coup de rouge et le cadeau du siècle, un puzzle géant que notre tout jeune retraité aura le loisir de reconstituer durant ses heures perdues. De retour à la maison, il lui manque forcément les quelques bouts de papiers –ou plutôt papelards- qui lui permettraient de toucher l’intégralité de sa pension. Dès lors l’ogre Pilardosse va enfourcher sa vieille Mammuth (une grosse cylindrée allemande des 70’s) et partir à la recherche des précieux sésames. Voilà pour le contexte, où plutôt le prétexte, car si Mammuth parle bien de la violence et de la déshumanisation liée au du monde du travail, -comme dans l’hilarante séquence mettant en scène des VRP éloignés de leurs enfants et qui se mettent à pleurer d’un seul homme- le film se concentre surtout sur la quête intérieure à laquelle Serge Pilardosse est confronté.

Mammuth, c’est Ulysse

Kervern et Delépine se sont attachés à filmer le corps de Depardieu d’une manière que l’on n’avait plus vue depuis Les Valseuses de Bertrand Blier. La crinière de Mammuth fait penser à celle de Mickey Rourke dans The Wrestler et son périple nous rappelle celui d’Alvin Straight, héros d’un autre road movie intimiste et onirique, Une Histoire vraie de Lynch (à voir absolument pout tous ceux dont ça ne serait pas encore le cas). Tout au long de ses pérégrinations, Mammuth va partir sur les traces de son passé, rencontrer d’anciens collègues et patrons, une galerie de personnages hauts en couleurs. Du fossoyeur au forain en passant par le videur de boite de nuit, son itinéraire raconte les méandres d’une vie passée à bourlinguer à la recherche d’un travail. Mais son odyssée va surtout lui faire se rendre compte petit à petit de l’inanité de sa vie passée, notamment lors de ses retrouvailles avec sa nièce, interprétée par l’artiste Miss Ming, une jeune femme autiste et un peu paumée sur les bords, qui contrairement à lui n’a jamais travaillé de sa vie et qui va l’initier à la décroissance et à l’art brut. Parti sur une grosse cylindrée, notre héros retournera chez lui en mobylette et djellaba, comme si la découverte du bonheur passait par un retour aux choses les plus simples de la vie. Pour finir, on remarquera les très belles  apparitions d’Isabelle Adjani en Dame Blanche, fantôme d’un amour de jeunesse perdu à jamais et icône d’un monde à l’ancienne dont Pilardosse n’aura finalement jamais réussi à s’extraire. Enfin, on notera la très belle bande-son signée Gaëtan Roussel qui renforce encore l’aspect onirique du film et sublime les paysages de cette Charente rêvée…

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