Volé à l’un des nouveaux morceaux d’Atari Teenage Riot, ce titre prend racine au cœur de l’effondrement d’un label de légende. De Ninja Tune, Amon Tobin est l’enfant prodige et même si ce nouvel album n’enlève rien à sa gloire il fait planer comme une odeur de fin du monde sur le label anglais.
Cet anglo-brésilien est depuis les 90’s considéré comme l’un des princes de la musique électronique, de ceux qui la font évoluer à chaque nouvelle production. Découvrir Amon Tobin avec Isam son sixième album, successeur du très abouti Foley Room (2007), est une entreprise complexe.
Tout d’abord cet alchimiste sonore n’a pas cessé d’évoluer au court des deux décennies précédentes et sa dernière mue n’est pas la plus facile d’accès. On reconnaît tout de suite le talent avec lequel il travaille les textures et à quel point sa technique est exceptionnelle, mais la musicalité est ici enfouie sous les couches successives d’expérimentations et il est difficile de ne pas en sortir frustré. Lorsqu’on sent une mélodie poindre à la surface de cet océan de particules sonores, une nouvelle vague vient aussitôt la recouvrir et il ne nous reste plus qu’à admirer, de loin, son ombre trouble. Certains y voient l’enterrement inconscient d’un génie dans un marasme expérimental où la musique ne signifie plus rien. D’autres exultent en explorant cette mine d’or où Amon sublime la synthèse sonore et montre l’originalité qui est la sienne quand il s’agit de triturer les sons qu’il a lui même enregistré.
Inutile d’écouter ce disque avec vos enceintes de portable vous en perdriez l’essentiel, un matériel audio correct est nécessaire pour capter un minimum l’ampleur du travail. C’est l’autre problème de ce disque : l’élitisme. Amon pose la question de la limite entre musique savante et musique populaire par sa volonté de faire passer la technique avant la sensibilité, par les outils qu’il utilise et par l’exigence dont il fait preuve. Il répond, pour dédramatiser, aimer « l’idée de jouer des instruments futuristes qui n’existent pas, des instruments construits avec un haut niveau de détail mais finalement joués très mal ». Faut-il pour autant mettre de côté la dimension narrative ?