Regardez, y’a rien à voir !

Ben Laden est mort ! A peine croyable, 10 ans après le 11 septembre. Et pourtant lundi dernier, la France et le monde se réveillaient avec cette nouvelle : l’ennemi public numéro 1 avait été tué par les Américains. Une grande nouvelle, des cafouillages de com’, des images de liesse, un photomontage, mais toujours pas de corps.
On l’imaginait dans une grotte dans le désert, et sa marionnette aux Guignols en avait presque fait un personnage comique, depuis toutes ces années à base « d’ispice di counasse ». Sauf que le chef d’Al-Qaïda, si on en croit les vidéos rendues publiques ce week-end par les États-Unis, montre que le numéro 1 n’était pas devenu qu’un simple pantin. Et l’annonce de sa mort, comme sa vie, s’annonce plutôt comme une tragi-comédie, à base de secrets et d’espions.

Opération Géronimo sous silence

Ainsi, le 2 mai 2011, Barack Obama annonçait la mort d’Oussama ben Laden en direct à la télévision. Un discours dont il faudra se contenter puisque la Maison-Blanche a choisi de ne pas diffuser les photos du corps, avant qu’il ne soit jeté dans la mer. Mais nous aurons le droit de regarder celles des membres de la sécurité nationale américaine regarder les images de l’assaut. (cf photo). Comme pour voir par procuration. Pourtant, la non-diffusion des images, jugées trop choquantes -le chef d’Al Qaïda ayant été touché à la têt e-, renforce les diverses « théories du complot » qui circulent depuis les attentats du 11 septembre. Pas de photos, pas de vidéo, pas de sépulture, pas de traces visibles pour le grand public. Et des cafouillages officiels à répétition dans le récit du déroulé de l’opération. À l’exemple de ce photomontage diffusé lundi dernier dans la presse. Rien qui ne permet de faire taire les rumeurs. Un choix qui change des images de l’exécution du couple Ceausescu ou plus récente de Saddam Hussein, et qui dérange par le fait même de se débarrasser du corps : pas d’autopsie, et le non respect des rites musulmans d’enterrer les morts. Pas que l’homme soit des plus sympathiques, mais alors que l’année est marquée par les révolutions démocratiques dans le monde arabe, ne donnons pas de place aux intégristes et aux discours de diabolisation de l’Occident. Et ce ne sont pas les 6 vidéos, publiées ce week-end par les États-Unis, sans son (pour ne pas favoriser le discours jihadiste) où Ben Laden apparaît vieux et affaibli, mais où on ne voit ni sa mort, ni sa façon de vivre dans la maison d’Abbottabad qui vont effacer ces sentiments. Pourtant, à défaut de sentiment de justice, la mort du chef d’Al-Quaïda permet aux États-Unis de prendre sa revanche.

Yes, we can

Et c’est Barack Obama qui offre cette victoire à son pays. Attaqué, critiqué, le président américain avec cette annonce recentre la nation, et donne à l’Amérique une vigueur et un peu de son « honneur ». Ensemble, we can ! à l’exemple de son discours de lundi dernier où le « nous » prend toute sa place. « Aujourd’hui, il faut garder en tête qu’en tant que nation, il n’y a rien que nous ne puissions faire lorsque nous nous attelons à la tâche, lorsque nous travaillons ensemble, lorsque nous nous souvenons du sens de l’unité qui fait de nous des Américains ». Salué de tous côtés les premiers jours après cette annonce, les controverses resurgissent cependant depuis quelques jours. Le débat sur la torture, par exemple, et les méthodes d’investigations qui avaient marqué l’ère Bush. C’est qu’à un an des prochaines élections, la mort de ben Laden fait du bien au candidat Obama dans l’opinion publique. Mais les conservateurs, fortement fustigés par le démocrate pendant la dernière campagne sur l’utilisation de la torture, tentent de montrer qu’il n’aurait peut-être pas de leçon à donner en matière d’interrogatoire. Waterboarding ou simulacre de noyade, et la promesse de fermer le camp de  Guantanamo à Cuba n’a toujours pas été tenue… Finalement, le sentiment de malaise persiste dans la mort du numéro 1 d’Al-Quaïda.