Le 17 novembre 1936, Roger Salengro, Ministre de l’Intérieur, se suicide à l’issue d’une campagne de presse infamante, orchestrée par l’extrême droite. Eminente figure de la 3ème République et incarnation du progressisme en France, Roger Salengro ne supportera pas à la diffamation et l’injustice des coups qui lui seront portés.
Le 17 novembre 1936, Roger Salengro, Ministre de l’Intérieur, se suicide à l’issue d’une campagne de presse infamante, orchestrée par l’extrême droite. Eminente figure de la 3ème République et incarnation du progressisme en France, Roger Salengro ne supportera pas à la diffamation et l’injustice des coups qui lui seront portés.
Une campagne de presse fatale
De mémoire républicaine, jamais un ministre n’avait été traîné dans la boue au point de se donner la mort. Maire de Lille de 1925 à sa mort et Ministre de l’Intérieur du Front populaire, Roger Salengro connaît une ascension fulgurante brisée par la haine que porteront les ligues d’extrême droite au Front Populaire. Le jour même de l’investiture de Léon Blum en tant que Président du Conseil (équivalent du Premier Ministre), Xavier Vallat, député d’extrême droite, expliquera qu’un juif ne peut diriger la France. Le ton est donné !
C’est le quotidien royaliste d’extrême droite, L’Action Française, qui portera la première attaque, le 14 juillet 1936. Le journal conteste le droit du ministre à se présenter devant la tombe du soldat inconnu, au motif qu’il aurait déserté en 1915. Dans une société encore fortement marquée par la guerre et qui s’apprête, sans le savoir encore, à y replonger, l’accusation est extrêmement grave…
Tant qu’il le peut, Salengro dément et tente de s’expliquer. Il est soutenu en cela par Léon Blum qui confie une Commission d’enquête au général Gamelin. Cette Commission conclura que, si Salengro a effectivement passé en 1915 les lignes ennemies, ce n’était pas pour trahir son pays mais pour ramener le corps d’un ami mort au combat. Pendant sa détention du côté allemand, Salengro aurait même fait preuve d’un patriotisme infaillible encourageant ses codétenus à ne pas céder face à l’ennemi en refusant de travailler pour lui.
Les explications ne satisfont pas les journaux qui continuent à mettre en doute la loyauté de Salengro à la France et n’hésitent pas désormais à attaquer le ministre partout où ils le peuvent. Taxé d’homosexuel, alors même que son épouse Léonie vient de mourir, ou encore insulté pour être de confession juive, Roger Salengro n’échappera à rien. Il finit par se donner la mort le 17 novembre 1936, laissant une lettre à Léon Blum pour expliquer son geste : « Ma femme est morte il y a bientôt 18 mois de la calomnie qu’on ne lui épargna pas et dont elle souffrit tant. Ma mère ne se remet pas des suites de son opération et la calomnie la ronge jusqu’aux moelles. […] Je suis à bout. S’ils n’ont pas réussi à me déshonorer, du moins ils porteront la responsabilité de ma mort ».
Des funérailles grandioses
Son suicide provoque une onde de choc. Le peuple français semble alors découvrir que les politiques ne sont pas dénués de sentiments. Des obsèques nationales sont organisées à Lille, sa ville. Un million de personnes y assisteront et une marche aura lieu à Paris. Des sanglots dans la voix, Léon Blum trouvera les mots pour saluer le bilan de son ministre (dissolution des ligues d’extrême droite, rôle décisif dans les Accords Matignon…). Sans jamais citer ceux qui ont poussé Salengro à commettre l’irréparable, Blum préfère évoquer « la ténacité, la bravoure, la bonté » de son ministre. Manière de restaurer un honneur bafoué, de la meilleure façon qu’il soit.
Quelques années plus tard, les « Je suis partout » et autres « Gringoire » et « Charivari » s’illustreront par leur collaborationnisme pendant l’Occupation. Dénonçant publiquement ceux qui se rendent coupables de résistance, ces journaux donneront malheureusement tort à Salengro. Le suicide d’un homme ne leur aura pas suffi. L’occupation nazie, les lois anti-juives et la suppression des libertés acquises sous le Front populaire ne feront que les encourager sur la voie de la calomnie et de la dénonciation.