Accroché à l’âme perdue d’un mort, Gaspar Noé survole Tokyo dans « Enter The Void », expérience sensorielle et mystique sous influence tibétaine. Mais, fidèle à sa réputation de provocateur, le cinéaste n’hésite pas à choquer. Pari réussi ou grosse arnaque?
Dans Enter The Void, Gaspar Noé nous conte l’histoire d’Oscar, jeune dealer un peu pommé dans la jungle urbaine tokyoïte. A sa mort, ce dernier erre dans la ville telle une âme en peine, y observe sa sœur et ses proches.
Tout le long du film, le spectateur vit l’action à travers les yeux d’Oscar grâce à un procédé de mise en scène totalement dément, à base de mouvements de caméra très complexes que Gaspar Noé explique : « Ma plus grande obsession, quand j’ai commencé à préparer le film n’était pas de savoir qui allait jouer dedans, mais qui serait mon machiniste. Le plus compliqué, c’était d’avoir quelqu’un de suffisamment doué pour trouver des systèmes de fixage de grue, pour que la caméra vole en permanence en traversant les murs. » Graphiquement, le film ne manque pas d’atouts, outre ces mouvements de caméras hallucinants, Gaspar Noé propose une vision psychédélique et ultra-sensorielle des pérégrinations de cette âme en peine.
Un film choquant ?
Si Oscar se balade à sa guise dans Tokyo, il suit tout particulièrement sa sœur, Linda, encore plus paumée que lui. La fratrie a perdu ses parents dans un accident de voiture, alors qu’ils étaient de tout jeunes enfants et ont été séparés peu de temps après. Une dizaine d’années plus tard, elle le rejoint à Tokyo et les deux n’ont plus que l’un pour l’autre, entre eux une relation plus que fusionnelle, presque incestueuse. Et c’est peut-être ici que le bât blesse. On ne saurait dire si Gaspar Noé est un cinéaste naïf ou un provocateur né (rappelez-vous la scène de viol dans Irréversible).
Ici, Oscar, une fois mort, « participe » à tous les rapports sexuels de sa sœur. Il positionne son âme à la place des amants de Linda. Pour mieux lui faire l’amour dans une sorte de relation incestueuse inter-dimensionnelle ? D’ailleurs, le moment de « bravoure » du film -où l’on a explosé de rire- est une pénétration filmée depuis l’intérieur d’un vagin. On tend donc à se demander pourquoi Gaspar Noé veut nous montrer dans tous les détails cette relation assez bizarre entre ce frère et cette sœur ? Mais le réalisateur n’y voit aucun problème et trouve même ça plutôt normal. « Je ne vois pas de relation incestueuse. Je vois par contre deux jeunes êtres perdus en manque d’affection. Ils veulent recréer la famille qu’ils ont perdue à tout jamais et luttent pour ne pas imiter le couple parental qui n’est plus. Il n’y a pas besoin d’être incestueux pour mal vivre le fait que sa sœur chauffe des blaireaux testostéronés, alors qu’on cherche par tous les moyens à recréer le cocon de l’enfance. » Au final, il est assez dur de se faire une opinion sur Enter The Void, film techniquement très abouti et très beau, pour peu qu’on aime les montagnes russes, expérience sensorielle et psychédélique fascinante, mais à peu près degré zéro de réflexion et de propos. Pari réussi ou arnaque, faîtes vos jeux. Pour nous, c’est un peu entre les deux.