Le Thon rouge vit dans la zone de l’Atlantique Nord et des mers adjacentes, de l’équateur à la Norvège et est consommé au Japon. Mais alors pourquoi en parle t-on autant en France ces derniers temps ? Parce que la France représente 20% des prises mondiales, que ça rapporte gros et que ça a une dimension sociale importante.
Le boom du marché des sushi-sashimi a été un moteur, depuis les années 80, de la demande de thon rouge. Aujourd’hui, plus de 60 000 tonnes sont pêchées chaque année, contre 25 000 en 1975, une augmentation insoutenable pour un poisson au cycle de reproduction si long. En dépit d’un manque de données précises sur la taille du stock existant, il est devenu clair pour nombre de scientifiques que «l’hypothèse d’un effondrement du stock dans un futur proche ne peut plus être écartée ».
La France est en pleine ligne de mire puisqu’elle a pris la fâcheuse habitude de pêcher le double de ses quotas, la moitié de ses prises étant donc de fait illégale. C’est pourquoi chez nous plus qu’ailleurs, les écolos et les marins se déchirent autour d’un gouvernement longtemps hésitant.
Thoneurs, pirates !
Comment en est on arrivé là ? Simplement car les principaux pêcheurs, membres de la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique (CICTA), sont soumis à des quotas fantoches, sans système de surveillance ni de sanction en cas de dépassement.
Résultats : En 2007, le Japon a déclaré à la CICTA une importation totale de plus de 32 000 tonnes, alors que le montant international de pêche autorisé était de 29 500 tonnes. Comment passent-ils à ce point entre les mailles du filet ? Les thons péchés par des armateurs français sont transférés vivants à des mareyeurs espagnols ou libyens, qui les engraissent pendant plusieurs mois dans des fermes d’aquaculture. Ils sont ensuite exportés au Japon et transformés sur place. Evidement, ça brouille les pistes.
Quel plan B ?
A l’approche de la Conférence des Parties de la convention CITES, régissant le commerce des espèces menacées, Monaco a proposé d’intégrer le thon rouge à l’Annexe I, en interdisant ainsi le commerce international. Changement de cap : Au lieu de limiter la quantité péchée, on élimine la raison d’être de la pêche : l’accès au marché japonais. Puisque 80% des thons attrapés en Europe sont exportés au Japon, l’activité diminuerait drastiquement. Après de longues hésitations, la France vient d’officialiser son soutien à l’interdiction de commercer. Elle demande cependant un délai de 18 mois pour vérifier que l’espèce est bien menacée, histoire de ne pas perdre les votes de tous les pêcheurs dans l’ouest et en PACA aux régionales.
Petit problème, pour que la commercialisation d’une espèce soit interdite, il faut un vote à l’unanimité des membres de la convention. Et là, j’ai comme un doute que le Japon, premier consommateur du précieux carnivore marin, refuse de priver ses citoyens du mets traditionnel. Des négociations qui risquent donc d’être bloquées et de protéger le status quo.
Attention à la Grande Bouffe
Alors oui, la pêche industrielle en partie illégale de poissons trop jeunes pour avoir eu le temps de se reproduire, n’est pas durable. Certains vantent l’aquaculture, qui permettrait de produire des thons rouges d’élevage pendant que leurs acolytes sauvages se renflouent.
A nouveau, on oublie que la nature n’est pas fragmentée. Pour produire 1 kg de thon rouge, songez qu’ il faut 8 kg de poissons frais (sardines, anchois, harengs) et beaucoup de pollution marine en plus. Ne serait ce pas plus sage de rendre au thon rouge sa rareté et de le déguster précieusement ?